Commentaires récents
Aucun commentaire à afficher.
Histoire de la SAFGA 1969-1979
Publié dans SAFGA-Groupe Alsace de la SAF
Marqué avec Histoire, Observatoire de Strasbourg, SAFGA
Laisser un commentaire
Allo Houston, ici la Lune ! Bonjour les cinéphiles !

« First Man » (Lecture: 5 mn)
Allo Houston, ici la Lune ! Bonjour les cinéphiles !
Après les « 16 levers de Soleil », le film de Pierre-Emmanuel Le Goff sur Thomas Pesquet le cinéma nous gâte à nouveau en ces mois d’octobre et novembre 2018 avec un biopic autour de l’alunissage et les premiers pas d’êtres humains sur la Lune. A 9 mois du cinquantième anniversaire de cet évènement, Damien Chazelle, cinéaste et réalisateur franco-américain, nous propose un long-métrage de 2h20 sur Neil Armstrong, l’astronaute américain sélectionné et choisi pour réaliser l’exploit. Interprété par Ryan Gosling dans le rôle de Neil, le film reprend le récit de James Hansen, « First Man : The Life of Neil Armstrong », la biographie officielle du héros.
Je viens partager le plaisir d’avoir vu ce film, car il apporte une nouvelle dimension à la présentation d’un des plus grands évènements qui a marqué l’adolescence de notre génération.
Dès les premières scènes, on comprend bien que Damien Chazelle donne deux fils rouges à sa création cinématographique, la passion obsessionnelle de cet homme pour l’aviation et le décès de sa fille d’une tumeur à l’âge de deux ans et demi. Le mélange subtil et bien dosé de ces deux ingrédients donne corps à un film d’action et d’émotions qui plaît à ceux qui étaient devant leur téléviseur en 1969 autant qu’aux jeunes de nos jours qui s’étonnent comment ces carlingues branlantes pouvaient séduire des fous.
En effet, les actions spectaculaires démarrent dans un avion de test X-15 qui rebondit sur les couches de la stratosphère, se poursuivent plus tard avec la capsule Gemini-8 qui subit les méfaits d’un défaut de stabilisation pour se finir avec la fusée Saturne-5 et la capsule Appolo-11 qui permettent d’atterrir le LEM sur la Lune et de revenir sur Terre. Dans l’épreuve des actions, loin de tout mélodrame, Damien Chazelle prend le parti de montrer les candidats astronautes déterminés et résolus. Parfois dans une compétition et une rivalité, parfois dans une confraternité de voisins, ils se côtoient sans excès souvent dans le silence, en attente des épreuves physiques éprouvantes qui finissent parfois par les emmener dans la mort. Les moments d’exercices et de vols dans l’espace alternent avec la vie de tous les jours en famille. Ce rythme accentué tantôt par les vaisseaux spatiaux, tantôt par les Cadillac des années soixante met en relief la personnalité complexe, taciturne et introvertie de Neil Armstrong. Va-t-il dire à ses enfants qu’il part pour la Lune ? L’exigence de sa femme tourne au drame familial. Damien Chazelle raconte du vrai comme dans la scène où Madame Armstrong vient faire un scandale dans les bureaux de la NASA pour qu’on remette le son dans son haut-parleur, prête à écouter l’éventuelle mort en direct de son mari. Le courage des femmes et des épouses, mères de famille de l’Amérique des 30 glorieuses, contraste souvent avec l’inconscience de leur boyscout de mari. La mort des héros est retirée pour des flashs back avec la douceur cruelle du papa meurtri par la disparition de sa fille chérie. Nous ne saurons jamais ce qu’Armstrong a fait au bord du cratère sur la Lune aux bords si abrupts et profonds qu’il n’en voyait pas le fond. Y a-t-il vraiment jeté le bracelet de sa fille ? Nous ne le saurons jamais.
Le choix de Damien Chazelle de présenter Neil Armstrong comme un père troublé, perturbé et poursuivi par la douleur de sa fille est un choix romanesque et scénographique intéressant. Il lui permet de sortir le héros américain de sa sacro-sainte étoffe d’invincibilité. Il lui donne une dimension plus quotidienne. Il offre aussi aux femmes, même si elles conservent un second rôle, une force d’action, de remise en cause des codes masculins. Elles viennent bousculer les tendres machos et les retirer à leurs jeux de mécano pour les remettre devant leurs responsabilités terrestres. Ce choix donne sans aucun doute une dimension nouvelle au cinéma d’action.
Personnellement j’aurai peut-être apprécié moins d’effets mélodramatiques au profit d’une étude plus approfondie de ce personnage qu’était Neil Armstrong. Il y avait moyen avec le contexte de cette aventure humaine pendant la guerre froide de donner une autre dimension historique et cinématographique à un être humain masculin caractérisé par une personnalité aussi typée. Neil Armstrong était, il est vrai, réservé et impersonnel, plutôt distant et détaché, obnubilé par une passion devenue obsessionnelle qui faisait de lui un homme solitaire et souvent introverti. Je ne peux m’empêcher de penser à Andreï Tarkovski qui réalisa « Solaris » en 1972, un long métrage à partir du récit de Stalislam Lem sur un voyage spatial troublé par les mystères de la personnalité humaine. Le sujet fût d’ailleurs repris en 2002 par Steven Soderbergh avec Georges Clooney comme acteur. Je ne souhaite pas opposer science-fiction et biopic romancé, mais il y avait avec Neil Armstrong et son voyage sur la Lune, matière et occasion d’aller plus loin dans la représentation cinématographique d’un vécu extraordinaire pour un être humain qui n’était pas moins un homme, un mari, un père de famille à sa façon, une identité qui faisait de lui un homme non pas ordinaire mais commun au sens qu’il pourrait nous croiser à chaque instant avec ses qualités et ses nombreux défauts. « First man » reste néanmoins un très beau film à voir absolument.
Roger Hellot, novembre 2018.
Allo l’ISS, ici la Terre ! Bonjour les cinéphiles !
« « 16 levers de Soleil » (Lecture: 6 mn)

Allo l’ISS, ici la Terre ! Bonjour les cinéphiles !
Jeudi 10 octobre dernier le décollage de la fusée Soyouz MS-10, qui devait permettre d’emmener l’astronaute américain Nick Hague et le cosmonaute russe Alexeï Ovtchinine vers la Station spatiale internationale (ISS), a connu une extinction inattendue du moteur du 2ème étage après le largage des boosters. Après un peu plus de 2 minutes de vol, à 1750 km/h et déjà à plus de 100 km d’altitude, l’équipage a dû interrompre son ascension et procéder à un atterrissage de secours qui s’est fort heureusement bien passé conformément à la procédure. Les spationautes ont pu être récupérés sains et saufs dans le désert du Kazakhstan, près de la ville de Jezkasgan à 400 km du lieu de décollage après un court vol balistique. Le parachute de freinage sert aussi ces situations inattendues.
Ce qui est étonnant est que les voyages habités vers l’espace et en ce moment surtout vers la Station spatiale sont devenus tellement banals que cet incident est passé inaperçu dans la presse en tout genre ou au pire n’a fait l’objet que d’un entrefilet. Ironie du sort, les cinémas en France diffusaient la même semaine le film de Thomas Pesquet, « 16 levers de Soleil ». Et c’est en fait de ce documentaire que je voulais vous parler initialement. L’actualité nous rappelle donc que ces voyages technologiques sont loin d’être naturels et qu’ils représentent une vraie prouesse technique jamais dépourvue de risques et de dangers, loin s’en faut !
« 16 levers de Soleil » est un film, une œuvre du cinéaste Pierre-Emmanuel Le Goff qui a suivi Thomas Pesquet, le dernier en date des spationautes français, avant et après ses péripéties spatiales en mettant également bout à bout les enregistrements de celui-ci pendant son séjour dans l’espace. Notre spationaute avait décollé de Baïkonour le 17 novembre 2016 pour rejoindre à bord d’une fusée Soyouz la Station spatiale international (ISS). A bord, il est resté en orbite à 450 km pendant presque 200 jours. Il y a partagé son temps entre la réalisation d’expériences scientifiques et la maintenance de la station spatiale. Quatre sorties dans l’espace furent même programmées pour permettre à notre champion national de se jeter dans le vide interplanétaire.
Le film de Pierre-Emmanuel Le Goff démarre avec des scènes filmées avec une caméra de poche dans le désert du Kazakhstan à la tombée de la nuit peu de temps après le retour des cosmonautes sur Terre. Le ballet étrange des hélicoptères et les techniciens qui secouent la capsule vide avant son rapatriement donnent le ton de ce documentaire d’un voyage onirique, étrange mais profondément romantique. En toile de fond, Thomas Pesquet tisse lentement entre lui et ses lectures des écrits de Saint-Exupéry dont il a emporté les œuvres complètes, un dialogue qui démarre dans un taxi parisien pour s’éteindre dans un jeu de saxophone que notre voyageur entonne devant les hublots de son vaisseau qui surplombent une terre décidément bien fragile.
La caméra de Pierre-Emmanuel Le Goff reste discrète, filme de loin comme un regard indiscret l’intimité des derniers repas en famille, les longs adieux aux amis, puis les nombreux rituels et embrassades des techniciens, ingénieurs et responsables russes avant le décollage. Il règne en permanence une intensité humaine profondément chaleureuse, une ambiance familiale comme si l’adieu vers le voyage dans l’espace n’était autre qu’un mariage et non un adieu, auquel s’invite un pope pour arroser de larges bénédictions avec son pinceau, les voyageurs et leur vaisseau. J’ai cru assister au départ de Christophe Colomb vers les Indes.
Le décollage toujours impressionnant est suivi d’images pathétiques des trois cosmonautes en position fœtale dans leur minuscule diligence. Il faut rester engoncé pendant 2 jours dans un scaphandre avant d’atteindre les couloirs et les boyaux de la station promise. Etonnamment les visages sont concentrés et sans émotion. Ils témoignent l’impatience de la liberté des mouvements. Mais les gestes restent sûr et maîtrisés. La baguette du commandant pour appuyer sur les gros boutons d’un autre âge contraste avec la tablette numérique qui donnent les instructions sous le regard vérificateur du second à bord qui conserve l’usage du carnet en papier.
A l’arrivée, à bord de la station, les autres locataires présents depuis des semaines, assurent l’accueil avant de laisser pour la suite du reportage la caméra à Thomas Pesquet. Les dialogues restent discrets. La parole est souvent donnée à Saint-Exupéry pour ponctuer des parallèles entre l’œuvre du célèbre pilote et la vie des sensations à bord. Le travail des astronautes est montré mais peu commenté dans le détail. Seul comptent les impressions, les sentiments et les émotions comme la scène de l’anniversaire de Peggy, la collègue américaine qui finit en larmes. La vie semble calme et paisible à bord. Pourtant, c’est cette introversion qui installe le relief au film et la tension chez le spectateur. Le frisson nous reprend lors des sorties dans l’espace. Il faut mener à bien des réparations autour de la carlingue. Après le fastidieux habillage des scaphandres de sortie, Thomas Pesquet filme en gros plan le besoin de s’accrocher et assurer sa sécurité. Pendant ce temps, une couverture de protection des scaphandres tombe de la porte de la station, se perd et s’en va, glisse, s’enfonce dans l’espace en direction de la Terre comme une feuille morte. Le long suivi de cette perte contraste avec le danger qu’elle représentera pour les voyages futurs et les corrections qu’il faudra donner aux trajectoires de la station et des satellites.
Le périple est fascinant, les vues sur la terre, les levers et les couchers de soleil sont d’une beauté subtile et le silence qui les entoure ne cache pas l’extrême faiblesse de la nature. L’épaisseur ridicule de notre atmosphère autour de notre planète surprend. Elle laisse entrevoir des nuages qui donnent la mesure de la fragilité de notre monde.
Après un séjour de près de 200 jours, il faut redescendre. Le film montre à nouveau nos cosmonautes qui prennent place dans les coques fœtales de la diligence et se laisser glisser doucement vers l’atmosphère terrestre. L’embrasement de la capsule n’impressionne pas nos voyageurs pendant la descente mais ils sont bien éprouvés, à l’arrivée, par le choc brutal du contact avec la terre et la reprise des sensations de la gravité. La physique se démontre par les expériences vécues.
Le cinéaste Pierre-Emmanuel Le Goff nous livre avec ce film un magnifique montage co-réalisé avec son reporter, le spationaute Thomas Pesquet en personne. Même si l’idée de la contemplation associée à la poésie de Saint-Exupéry est parfois un peu trop présente et donne au film une touche trop artificielle, l’espace continue à nous faire rêver. Je vous invite au cinéma. Vous sortirez de ce film, certainement comme moi, un peu en apesanteur et charmée par l’aventure.
Roger HELLOT, octobre 2018.